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Jeune Public | théâtre

Monsieur, Blanchette et le loup

José Pliya

Il ne suffit pas d’une chèvre, d’un loup et d’un Monsieur même pas Seguin pour faire un authentique conte provençal. La version très libre de ce classique de la littérature jeunesse que donne ici José Pliya, ouverte à l’influence des traditions peuls comme à la parole des grands griots africains, garde cependant la question centrale posée par Daudet : que gagne-t-on à vouloir vivre libre ?

Dans cette version au regard dessillé où la tragédie annoncée n’exclut pas une truculente drôlerie, le loup est un voisin voyou et vagabond qui ne peut, estomac consentant oblige, que dévorer les trop jolies chèvres qu’attire à lui son côté mauvais garçon au poil dru et noir. De guerre lasse, Monsieur tente de faire croire à Blanchette, la plus jolie de ses presque épouses, qu’elle est une vache ; qu’il piège sa propriété ou chasse son voisin à coup de fusil ne changera rien à l’affaire. La barbiche de sous-officier, les yeux doux, les sabots luisants et les cornes zébrées finiront par réclamer la fin du conte dans lequel ils croyaient ne plus pouvoir tenir, et la chèvre elle-même sa « danse de mort au clair de pleine lune ». Nulle fin heureuse à attendre donc, mais une lecture aiguë de l’amour, de ses mensonges et de ses appétits, une lucidité capable de regarder la tragédie en face et de transformer le plateau de théâtre en « un territoire des origines, commencement premier où les femmes et les hommes pourraient s’assoir, tranquilles, sur le rivage du monde ».