Hommage aux racines africaines de Cuba, Yo, nouvel album de Roberto Fonseca, s’inscrit dans la ligne d’inspiration qui a fait la gloire du charismatique compositeur : invention mélodique, piano frénétique et funky, section rythmique libre et colorée. Un pas de côté également puisque Fonseca délaisse ici son quintet habituel pour inviter des artistes qui apportent dans leurs valises d’autres tonalités et portent d’autres rivages. Pour faire entendre l’Afrique, Sekou Kouyate, sera tour à tour percussionniste et joueur de kora, cette harpe-luth mandingue à 21 cordes dont il est l’un des grands virtuoses. Un dialogue s’installe, le jazz s’encanaille de rumba et se frotte au très dansant son montuno. Mais on voit également passer dans le soleil sensuel de Cuba une mémoire plus sombre : celle qui se souvient des bateaux négriers et de l’arrivée des esclaves des planteurs de café français chassés d’Haïti au début du XIXe siècle… La musique de Fonseca est à l’image de la couverture de l’album qu’il vient de livrer : il regarde l’objectif droit dans les yeux, paumes ouvertes pour mieux dire la place que la spiritualité tient dans son art, et sur son torse nu et noir s’inscrit le titre de cette identité complexe et retrouvée. Yo, magnifique et apaisé, vivant et libre, réconcilié avec lui-même et le monde.