On joue ici dans la grande cour du cirque international, école nord-américaine, versant Montréal. Les 7 doigts de la main, quatre femmes et trois hommes, ont tous débuté leur formation, et pour certains donné leur premier spectacle professionnel, entre cinq et dix ans. Ils sont aujourd’hui au sommet d’un art, jonglage, main à main, voltige, acrobatie, qu’ils utilisent pour raconter le monde. Celui des hommes toujours, mais de ceux qui ont compris que peu de choses pouvaient se faire seul et que la prouesse de l’un n’est rendue possible que par la prévoyance complice d’un autre. Séquence 8, leur dernier spectacle, a fait se lever le public du théâtre antique des Nuits de Fourvière et pas un des grands artistes de la discipline, de Madonna Bouglione aux directeurs du Cirque du Soleil, n’a caché son admiration. « Nous, vous, ici, ensemble, vous, moi. » Ces quelques mots par lesquels débute ce nouveau spectacle disent ce qui va suivre : une heure et demie d’oubli de soi pour se fondre dans une communauté désireuse de partager un même battement de cœur, une même envie de retenir son souffle, de faire entendre un même éclat de rire, une même ovation. Sur la piste, on a choisi de faire de l’émotion la matière du spectacle. La relation à l’autre, déchirante et déchirée, sensuelle et charnelle, fragile et inébranlable, protectrice ou déséquilibrante s’expérimente dans un langage qui est avant tout celui des corps. Pourtant, on y parle aussi et on sait se faire entendre – car il y a du comédien et du musicien dans chacun de ces artistes exceptionnels – pour vérifier, avec un accent canadien qui achève de séduire, que le public est bien là et que derrière tous ces regards ébahis on a bien compris que la technique, si époustouflante soit-elle, n’était rien, et que le sentiment était tout.